L’INVENTAIRES DES FOURMIS & TERMITES PROGRESSE

L’INVENTAIRES DES FOURMIS & TERMITES PROGRESSE

 

De nouveaux taxons continuent à enrichir le patrimoine naturel 

L’association Saint Barth Essentiel a initié depuis 2010 un programme d’étude sur la biodiversité terrestre de Saint-Barthélemy, sa préservation et sa restauration. Cette connaissance de la biodiversité est très importante pour mettre en place des politiques d’aménagement du territoire. Les insectes représentent une grande partie de cette biodiversité et donc, une partie du patrimoine naturel de l’île.

Depuis 2011, l’association a chargé le Dr Léonide Célini de réaliser les inventaires des fourmis et des termites, afin d’établir la liste des taxons, de mettre en place une collection de type référentiel à but scientifique et une collection à but pédagogique. Mais les inventaires doivent continuer dans le temps car ils donnent des indications sur l’état de la biodiversité car de nouvelles espèces peuvent apparaitre, disparaître ou devenir rares.

A l’heure actuelle, il n’existe aucune liste officielle référencée des espèces, probablement par manque de spécialistes et du fait que jusqu’en 2007, l’île était une commune de la Guadeloupe, donc les rares taxons collectés avaient été inclus dans la liste des espèces de  Guadeloupe, qui elle-même, est aussi  très incomplète. Les données sur les taxons de fourmis et termites des Caraïbes sont aussi  parcellaires car les clés d’identification taxonomique sont souvent inexistantes ou manque de précisions.

Nous avons réalisé deux missions de terrain : du 20 juin au 7 juillet 2011 et du 14 avril au 24 avril 2012.

Notre objectif étant d’établir la liste des taxon, et de créer une base donnée pour leurs identifications taxonomiques qui sera complétée par la suite avec les données moléculaires qui seront fournies par le Docteur Roy qui travaille en même temps sur ces taxons à l’Université Paris Est Créteil.

Lors de ces deux missions, il y eu des sorties pédagogiques, ouvertes à tous, suivies de séances d’initiation à la détermination taxonomique à la loupe binoculaire, dans les locaux attribués par la collectivité.

St Barth Essentiel - Sortie pedagogic

Sortie pédagogique,  21 avril 2012

Nous avons prospecté différents milieux : ouverts, anthropisés, anthropisés très urbanisés (à l’intérieur de Gustavia ville) afin d’avoir une bonne représentativité de la diversité spécifique des fourmis et termites.

Les spécimens sont recherchés à vue ou sont piégés (malaise, pilltrap) puis ils sont placés  soit dans l’alcool 70° pour leur identification taxonomique soit dans l’alcool 100° pour leur identification moléculaire.

La détermination taxonomique est basée sur les caractères morphologiques. Les spécimens sont déterminés, jusqu’à l’espèce si possible et sont désignés par deux noms en latin: le genre et l’espèce; c’est la nomenclature binominale. Le spécimen identifié sera,  si possible, comparé avec le spécimen référencé au même nom, dans des collections de références. Dans notre cas,  nous consultons la  collection du Muséum national d’histoire Naturelle, ou bien pour certains échantillons, des spécimens de références appartenant à certains spécialistes référents du groupe. Chez les espèces du  nouveau  monde la difficulté est telle, qu’il y a eu beaucoup de confusion de synonymie et de révisions multiples au sein des genres et des espèces. A l’heure actuelle, le statut taxinomique de certaines espèces est complexe et encore insuffisamment résolu avec les informations morphologiques d’où l’intérêt de les compléter par une détermination moléculaire.

Pour la détermination moléculaire nous utilisons le barcode moléculaire. Un barcode moléculaire est un fragment d’ADN dont la séquence d’acide aminés est quasiment identique chez les individus qui appartiennent à la même espèce. Elle permet donc de déterminer l’espèce à laquelle appartient un individu en ne connaissant que la séquence de ce fragment. On peut ainsi identifier un spécimen en comparant sa séquence avec celles des espèces connues. Ainsi, dans un premier temps, nous comparons la séquence obtenue pour les espèces de fourmis et termites que nous avons choisi de valider, avec la séquence publiée par le GENBANK pour la même espèce. (Programme BLAST). Si cette séquence n’est pas publiée, c’est que le spécimen peut appartenir soit à une espèce qui n’a pas encore été séquencée auparavant ou bien il s’agit d’une nouvelle espèce. On peut dans ce cas connaitre les séquences les plus proches, qui ont été séquencées et publiées. Dans notre cas, nous avons référencé certains taxons de saint  Barthelemy et demandé un numéro d’accession au GENBANK.

En 2011, nous avons collecté 20 espèces de fourmis et en 2012, 5 autres espèces, soit un total de 25 espèces dont certaines sont inédites pour Saint Barthelemy et pour certaines îles du West Indies. Six  de ces espèces sont qualifiées d’envahissantes. Une fourmi est dite envahissante lorsqu’elle se trouve à l’extérieur de son aire de répartition ou de dispersion potentielle et où elle a été introduite soit intentionnellement soit accidentellement (échanges commerciaux, commerce des pépinières, transport de substrats contaminés : troncs, produits en bois).  Elle devient un agent de perturbation, nuisible à la biodiversité autochtone des écosystèmes où elle s’est établie. Elle peut remplacer certaines espèces originales, espèces rares ou menacées.

Les fourmis envahissantes ont souvent des impacts économiques, environnementaux et sanitaires. Dans l’île 5 espèces sont couramment rencontrées il s’agit de la fourmi de feu tropicale, Solenopsis geminata. Elle  Inflige des nuisances aux êtres humains et aux animaux domestiques; elle peut également endommager les tubes plastiques. Dans la nature, elle entretient des insectes producteurs de miellats, (cochenilles pucerons) et peut ainsi favoriser des maladies virales sur les plantes .La  fourmi grosse tête  Pheidole megacephala, qui représente une grave menace pour la biodiversité. C’est  aussi un ravageur agricole (consommation de graines) et fait de nombreux dégâts domestiques (installations d’irrigation, câblages téléphonique, fils  électriques). Elle figure sur la liste de L’ UICN pour les 100 espèces envahissantes au monde.

Deux autres fourmis, sont fréquentes en milieu urbain, mais ne retiennent pas l’attention car elles ne piquent pas l’homme. C’est le cas de la  fourmi fantôme  Tapinoma melanocephalum.; elle doit son nom à son abdomen blanchâtre ; elle a une forte odeur qui rappelle un peu la noix de coco lorsqu’elle est écrasée. La fourmi folle Paratrechina longicornis, reconnaissable par ses longues pattes et sa grande agilité. Ces deux fourmis envahissent souvent les habitations et les bâtiments et peuvent  véhiculer des micro-organismes pathogènes dans des contextes hospitaliers .

D’autres espèces sont plus discrètes mais très dangereuses  car elles infestent les maisons  lits, linges, gaines électriques, interrupteurs, compteurs) et infligent des piqûres douloureuses. Ce sont les cas de 2 petites fourmis originaires de l’Amérique du sud : la  petite fourmi de feu  Wasmannia auropunctata dont les piqûres peuvent rendre aveugles les animaux (chiens et chats, tortues). Ainsi que la  grande fourmi de feu, Solenopsis invicta, considérée comme une des espèces de fourmis les plus nuisibles de la planète.En Amérique du Sud, elle est responsable de ravages  économiques, environnementaux  et sanitaire. Elle mord  et pique en injectant un venin exceptionnel car il peut y avoir décès de personnes sensibles (80 personnes tuées en 2006 en Alabama). Dans la nature, ces fourmis peuvent diminuer de manière significative des populations d’insectes, d’arachnides ou encore d’oiseaux. La grande fourmi de feu peut même repousser des vertébrés supérieurs.

Nous devons signaler également la présence récente dans l’île de la fourmi champignonniste envahissante  Acromyrmex octospinosus  appelée fourmi manioc. C’est un grand ravageur de plantes, elle a été classée par l’UICN comme étant l’espèce envahissante la plus dangereuse en Guadeloupe. Elle a été signalée à saint Barthelemy en 2010 mais il est vraisemblable qu’elle y soit présente bien avant. Nos travaux de phylogénie moléculaire ont montré qu’elle provient de la Guadeloupe. Ce qui montre bien la nécessité de contrôles phytosanitaires, si l’on veut préserver la biodiversité de l’île.

 

 Fourmi fantôme                                                               Fourmi grosse tête

(vues à la loupe binoculaire)

Il est souhaitable, d’envisager la mise en place d’une prévention efficace contre l’établissement dans l’île  des fourmis  de feu et des espèces de fourmis envahissantes. Cela ne  pourrait se faire  qu’au travers d’une approche régionale du problème, compte tenu de leur faculté à se disperser. Leurs invasions  pourraient constituer une menace très sérieuse pour la conservation de la biodiversité et  une source de complication pour  la vie quotidienne de la population.

4 espèces de termites ont été récencés ; L’espèce Nasutitermes corniger semble assez fréquente .Leur nid est soit épigé et  bien structuré soit édifié à l’intérieur de tronc ou de branches d’arbres vivants. Les 3 autres espèces sont  strictement xylophages, ils édifient leur nid à l’intérieur de troncs coupés ou dans les branches d’arbres vivants (fèces visibles). Il semble probable qu’il y ait d’autres espèces xylophages car des dégâts ont été observés dans un certain nombre de maisons en bois mais les  spécimens  n’ont pu être prélevés.

Termite xylophage dans le bois lolo

En 2011, nous avons prospecté différentes zones, riches en Cactus, afin de déceler les dégâts occasionnés par le papillon Cactoblastis cactorum. Certains cactus présentaient des dégâts, identifiés comme dûs au papillon, mais d’autres cactus présentaient d’autres types de dégâts et étaient parasités par des larves de Diptères. Nous avons placé des pièges type malaise pour inventorier les micro-hyménoptères parasitoïdes, présents dans la biocénose du Cactus. L’objectif étant de voir quelles sont les parasitoïdes susceptibles d’intervenir dans la régulation naturelle des populations du papillon. 15 espèces d’hyménoptères parasitoïdes ont été collectées et parmi elles, certaines de la famille des Trichogrammidae, Braconidae pourraient faire l’objet de recherches ultérieures sur leurs potentialités en cas de fortes invasions du papillon dans l’île. Lors de notre mission de 2012, nous n’avons trouvé aucun dégât récent et nous avons aussi constaté que l’état sanitaire des cactus s’était beaucoup amélioré. Peut-être subsiste-t-il quelques niches de populations résiduelles. Dans ce cas, il serait intéressant de les localiser et de prévenir l’association afin qu’elle contacte les chercheurs travaillant sur le sujet.

Le résultat de ces deux inventaires est une première contribution à la connaissance de la biodiversité de l’île. Mais il interpelle sur les impacts négatifs que pourraient avoir certaines fourmis sur la flore comme c’est le cas de la fourmi manioc, ou sur la santé de la population comme c’est le cas avec la grande fourmi de feu ou la petite  fourmi de feu, tristement célèbres pour leurs piqûres douloureuses sur l’homme. Il montre aussi que certaines espèces de termites peuvent représenter un danger potentiel pour l’habitat en bois.

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