FAIRE CONFIANCE À LA FLORE LOCALE

FAIRE CONFIANCE À LA FLORE LOCALE

Plusieurs initiatives charitables visent à re-végétaliser l’île après la dévastation causée par l’ouragan Irma et on ne peut objectivement que s’en féliciter. Mais à plus long terme, une bonne initiative peut causer des troubles importants à la biodiversité de notre île.

Membres de notre conseil scientifique, le Pr Claude Sastre, professeur honoraire du Museum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN) qui a coordonné l’inventaire de la Flore indigène de St-Barthélemy et le Dr Léonide Celini, entomologiste, ancien professeur de l’université Paris Est-Creteil et coordinatrice de l’inventaire des fourmis et termites de St Barthélemy, nous expliquent ci-dessous pourquoi il faut prendre garde d’introduire ici de nouvelles espèces et ce qu’il convient de faire pour aider la nature à reprendre ses droits.

« Après le passage de cyclones, nous avons déjà eu l’occasion de constater que l’importation massive de plantes était souvent suivie d’apparition d’espèces invasives qui devenaient par la suite un fléau pour la biodiversité.

Ainsi chez les végétaux, l’introduction de Scaevola taccada (Gaertn.) Rox. (Goodéniacées) pour fixer le sable des plages de Saint-Barthélemy, s’est révélée positive en un premier temps. Originaire des rives de l’Océan Indien, appelée à La Réunion “veloutier vert », elle a rapidement pris l’ascendant sur Scaevola plumieri, cerisier bord de mer local qui n’existe quasiment plus à Saint-Barthélemy.

Scaevola plumieri, cerisier bord de mer, espèce indigène
Scaevola taccada, espèce invasive

Il n’est par ailleurs pas rare que les plantes exogènes introduites abritent des animaux dont la présence n’est pas réellement souhaitée.

C’est ainsi le cas de la rainette de Cuba (Osteopilus septentrionalis). Après le passage des cyclones Luis et Marylin en 1999, les grands hôtels et jardineries de Saint-Barthélemy ont introduit des palmiers d’ornement pour re végétaliser au plus vite l’île. Cela a conduit à l’introduction de cette grenouille invasive qui par sa voracité représente un danger très important pour les oisillons, insectes, reptiles et autres grenouilles. En deux ans, elle a envahi toute l’île[1].

Plus récemment, en 2011, la fourmi champignonniste, Acromyrmex octospinosus (photo ci dessous), espèce invasive qui fait des dégâts aux plantes ornementales, fruitières, et maraîchères, a été observée peu de temps après la transplantation d’un arbre appelé « Bois d’Inde », Pimenta racemosa, en provenance de Guadeloupe. Cette fourmi a été classée par l’UICN comme l’espèce envahissante la plus dangereuse pour la biodiversité floristique de Guadeloupe.

Il serait donc sage aujourd’hui de tirer les leçons du passé pour ne pas refaire les mêmes erreurs.

Acromyrmex octospinosus, alais Fourmi manioc, grand ravageur de plantes

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Ce n’est pas la première fois que les Antilles subissent un cyclone dévastateur, et pourtant la végétation est toujours là.

Pourquoi est-elle toujours là ? parce qu’elle est particulièrement bien adaptée aux conditions environnementales.

Combien de temps pour voir l’île à nouveau verte ? c’est une affaire d’assez longue durée, mais efficace, contrairement à des plantes importées qui supportent souvent mal les aléas climatiques de Saint-Barthélemy dont le carême, qui est souvent très marqué, nécessite de recourir à l’arrosage … dans une île connue pour son climat tropical plutôt sec.

En outre, après de tels évènements, il est très vite possible d’observer le travail sans relâche de la nature : en quelques jours, on a pu constater que des végétaux émettaient des rejets. Idem, à l’emplacement d’arbres adultes, il n’est pas rare d’observer des plantules. A noter que ces dernières peuvent être récupérées pour être plantées en un premier temps en pépinière.

S’il faut faire confiance à la flore locale pour re-végétaliser l’île, il n’est pas interdit de lui donner un petit coup de pouce. Pour cela : 

  • Récupérer les arbres tombés pendant le passage du cyclone plutôt que de les emmener à la déchetterie pour y être brulés.
  • Favoriser, dans la mesure du possible, le broyage des végétaux, plutôt que le brûlage car les résidus des végétaux sont source d’engrais pour les sols.
  • S’assurer que le milieu est stabilisé, apte à recevoir de nouvelles plantations. Par exemple la mangrove dont il serait bon de faire un bilan, notamment celle du Grand Cul de Sac, a-t-elle bien joué son rôle-tampon ?
  • Incorporer au sol des Hydro-rétenteurs[2] qui permettent de « stocker » l’eau et les éléments fertilisants, garantissant ainsi une économie d’arrosage. Très utile, notamment en période de carême.
  • Contrôler l’importation des plantes : dans la plupart des cas, une fois qu’une espèce invasive est introduite dans une île, il n’est pas possible de l’éradiquer. On peut simplement, dans le meilleur des cas, contenir son expansion. La prévention reste donc le maître mot : C’est pour cela que le meilleur moyen de lutte reste la prévention. Il faut pour cela  :
    • Prévenir l’introduction d’espèces invasives ou les réduire au maximum. Dans la plupart des cas, une fois qu’une espèce invasive est introduite, il n’est pas possible de l’éradiquer. On peut simplement, dans le meilleur des cas, contenir son expansion.
    • Sanctionner le non-respect de la législation sur le transport aérien et maritime et la mise en danger de la vie humaine, animale, végétale et microbienne.

[1] Plus d’information sur la rainette de Cuba dans l’article « Les Hylidés envahissants dans les Antilles françaises et le peuplement batrachologique naturel par Michel BREUIL & Béatrice IBÉNÉ »

[2] Comme par exemple les Hydro-rétenteurs POLYTER, un hydro-retenteur enrichi en éléments fertilisants équilibrés (N.P.K) et oligo-éléments.