INVENTAIRE DES FOURMIS: PREMIER RAPPORT

INVENTAIRE DES FOURMIS: PREMIER RAPPORT

Un million d’insectes ont été décrits dans le monde à ce jour ;  mais ce chiffre ne représente qu’une petite fraction de l’existant, car de nombreuses espèces nous sont encore inconnues. Certains spécialistes  d’insectes pensent que le total des insectes pourrait atteindre 10 millions, d’autres avancent  le chiffre de trente millions.

Par leur immense diversité, leur rôle écologique majeur et le caractère bio-indicateur de certains, la prise en compte des insectes dans la gestion et la conservation des espaces naturels est croissante depuis une dizaine d’années. Cependant, leur étude souffre d’un manque de ressources professionnelles (entomologistes professionnels, formation) et d’une connaissance encore trop lacunaire de la part des gestionnaires, pourtant fortement concernés par ce vaste groupe.


LES FOURMIS

Hyménoptères de la famille des Formicidae, les fourmis comptent plus de 11 000 espèces réparties en 16 sous-familles, dont 8 se trouvent en région néotropicale. La distribution de cette famille est mondiale et s’étend du cercle polaire arctique aux terres les plus australes. Les seuls endroits dépourvus de fourmis sont l’Antarctique, le Groenland et quelques îles des océans atlantique et indien La diversité spécifique des fourmis est importante et de loin supérieure à celle des  autres insectes sociaux. A l’exclusion du l’écosystème aquatique, elles ont colonisé aussi bien le milieu forestier (litière, canopée, troncs, bois mort, plantes, etc.), les savanes ou les milieux anthropisés (bords de route, maisons, villes)

En plus de leur diversité, leur importance écologique est considérable. Selon des estimations, la biomasse les fourmis représente 10 à 15 % de la biomasse animale totale dans la plupart des écosystèmes terrestres. Elles jouent un rôle primordial dans l’écologie des sols et ce sont également les principales prédatrices d’insectes et d’invertébrés et d’importants vecteurs de dispersion des graines.

Les fourmis sont des insectes dont les sociétés sont divisées en castes. Les reines pondent, les ouvrières (stériles) s’occupent de nourrir la fourmilière, d’entretenir le couvain ainsi que de construire le nid et les sexués (mâles et femelles) sont présents uniquement à l’essaimage pour la reproduction. Seules  les  femelles sexuées survivront pour fonder une nouvelle colonie.

 

LES TERMITES

Dans la zone néo tropicale, le groupe des termites est abondant et diversifié avec environ 5000 espèces.

Le manque de connaissance actuelle sur cette faune en région Néotropicale et en particulier dans le West Indies est souvent lié au manque d’inventaire.

Les inventaires de fourmis et de termites que nous nous proposons de faire dans l’île de Saint Barthelemy vont contribuer à une meilleure connaissance de leur systématique et permettre d’établir, à long terme, une liste, la plus exhaustive possible. Cette liste n’existe pas à ce jour, car les rares données portant sur ces deux groupes sont très parcellaires.  Ces inventaires  contribueront  également à enrichir les collections de références, ainsi que les bases de données moléculaires (GenBank).


COMPTE RENDU DE LA MISSION (20 juin – 7 juillet 2011)

 

La mission qui s’est déroulée du 20 juin au 7 juillet  2011, pour l’association saint Barth Essentiel avait pour objectif : de dresser un premier inventaire des fourmis et termites présents à saint Barthelemy ; et de faire une première étude de la biocénose des Cactus. Cette mission s’inscrivait dans le cadre d’un vaste programme d’inventaire  faunistique, que cette association a mis en place, pour une meilleure connaissance de la biodiversité terrestre de l’île, sa restauration, et sa préservation.

Les inventaires ont débuté avec des sorties de terrain dans des zones ciblés  de l’île en collaboration avec Messieurs Karl Questel et Gregory Moulard de l’association Alsophis. Nous avons également bénéficié de la parfaite connaissance des milieux, par la présidente de l’association Saint Barth Essentiel, Hélène Bernier ainsi que  l’aide technique de bénévoles pour réaliser  la collecte des espèces; en particulier celle de Madame Magras Arlette, très sensible aux enjeux environnementaux et  leurs  conséquences sur la biodiversité de l’île.

 

SITES ÉTUDIÉS

Recherche des fourmis et termites : Le Gouverneur (pointe du Gouverneur), Saint Jean( zone du château),  Grand Cul de sac, petit Cul de sac ( bord de mer avec milieu sableux), Grand fond ( col de Grand fond, Morne la Croix ) ,Grand fond ( près de la mer) , Colombier ( route de la trace, section Pointe de vue),  Flamands , Haut de Saint Jean, Merlet, Beach hôte, Lurin.

Piège Malaise: Lurin, Grand fond, (zone de Grand fonds-Morne Rouge (classée en ZNIEFF : Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique). Pointe du Gouverneur.

Recherche de populations de Cactoblastis cactorum sur Cactus: Pointe du Gouffre, Section Toiny : hôtel Toiny et villa Eraville, Anse des lézards

 

MÉTHODES D’ÉCHANTILLONNAGE

Une seule méthode d’échantillonnage a été utilisée pour la collecte des termites et des fourmis : la récolte manuelle à vue, et le piège malaise pour l’étude de la biocénose du Cactus.

Les échantillonnages de fourmis et de termites ont été effectués en divers points de l’île afin d’avoir une bonne représentativité de leur diversité. Les pièges malaise ont été placés dans des zones riches en Cactus.

Les spécimens sont collectés soit avec une pince souple soit avec l’aspirateur à bouche. Ils sont  placés  ensuite soit dans l’alcool 70° pour une  détermination taxonomique des spécimens, soit dans l’alcool 100°  pour une détermination moléculaire.

Le piège Malaise  est composé de plusieurs pans de moustiquaire en forme de toit incliné, il permet de collecter des insectes volants dont les micro-hyménoptères.

 

DÉTERMINATION TAXONOMIQUES & MOLÉCULAIRES

Détermination Ttaxonomique

La détermination des insectes sociaux en région neotropicale  n’est pas aisée, car les clés d’identification taxonomique sont très incomplètes ou partielles par manque de spécialistes. Les termites et fourmis  des West Indies sont  peu étudiés ; seules  les espèces qui se distinguent par leurs impacts économiques (termites) ou sanitaires (piqures de fourmis) ont fait l’objet de travaux.

Les difficultés d’identification  sont aussi liées à la complexité de la  structure sociale des termites et de  fourmis. Les populations comportent plusieurs types d’individus au sein de leurs colonies (soldats, ouvrières, ailés  sexués mâle ou femelle et reine. Lors des collectes, tous les types d’individus ne sont pas obligatoirement  trouvés et l’on peut se trouver avec  un seul type.  Ces types  ne se ressemblent pas morphologiquement ; cela implique  que l’on doit avoir une clé d’identification précise pour chaque type : une clé pour les soldats, une clé pour les ouvrières, une clé pour les ailés sexués, et une clé pour la reine pour certains. Quelquefois cela se complique lorsque l’on ne collecte que les formes larvaires ou nymphales.Car les clés n’existent pas et toute identification est impossible.

Tous les spécimens sont observés à la loupe binoculaire, pour leur détermination taxonomique. Cette détermination est basée sur leurs caractères morphologiques. Les spécimens sont déterminés, jusqu’à l’espèce si possible et sont désignés par deux noms en latin: le genre et l’espèce; c’est la nomenclature binominale. Le spécimen identifié sera,  si possible, comparé avec le spécimen référencé au même nom, dans des collections de références. Dans notre cas,  nous consultons  la  collection du Museum national d’histoire Naturelle, ou bien pour certains échantillons, des spécimens de références appartenant à certains spécialistes référents du groupe.

 Détermination moléculaire

Utilisation du barcode moléculaire: Un barcode moléculaire est un fragment d’ADN présente chez tous les organismes vivants. La séquence de ce fragment d’ADN est quasiment identique chez les individus qui appartiennent à la même espèce. Elle permet donc de déterminer l’espèce à laquelle appartient un individu en ne connaissant que la séquence de ce fragment d’ADN. Cette séquence d’ADN peut être utilisée, comme un outil d’identification taxonomique des organismes vivants: Tous les individus d’une  même espèce présentent des séquences identiques ou très proches ; ce qui va permettre l’identification d’un spécimen en comparant sa séquence avec celles des espèces connues. Le fragment d’ADN choisi est un gène du génome mitochondrial codant pour la première sous-unité du cytochrome oxydase (COI).

Expérimentalement,  on extrait l’ADN de certains  spécimens de fourmis et termites, et après amplification, on l’envoi à séquencer. On obtient  ainsi une séquence d’acide aminé.  Après le séquençage, on soumet la séquence au GenBanK, afin qu’elle soit répertoriée dans les banques Nucléotidiques  Internationales et qu’il délivre  un numéro d’accession à la séquence (on peut ainsi consulter cette séquence). Ainsi, dans un premier temps, nous  comparons  la séquence que nous avons obtenue pour les espèces de fourmis et termites que nous avons choisi de valider par une détermination moléculaire, avec la séquence publiée par le GENBANK pour la même espèce. (Programme BLAST). Si cette séquence n’est pas  publiée, c’est que le spécimen peut appartenir à une espèce qui n’a pas encore été séquencée auparavant ou bien s’il s’agit d’une nouvelle espèce. On peut dans ce cas connaitre les séquences les plus proches qui ont été séquencées et publiées.

Equipe: Dr leonide CELINI, Dr virginie Roy de l’Université Paris-Est Créteil, Professeur Delabie,  UESC/CEPLAC Brazil


HYMÉNOPTÈRES PARASITOIDES 

La liste des Hyménoptères parasitoïdes présents à Saint Barthelemy est inexistante, car aucun inventaire n’a été réalisé à ce jour.  Certains ’hyménoptères parasitoïdes, présents dans la biocénose du Cactus et identifiés au genre pour certains ont été signalé par Francius en 2010, mais n’a été suivi d’aucun travail de détermination taxonomique. Nous avons collectés 15 espèces d’hyménoptères  de familles assez diverses. Les déterminations  à l’espèce sont en cours.


RÉSULTATS 

LES FOURMIS

18 espèces de fourmis ont été collectées lors de cette mission ; cette liste représente la première, clairement identifiée de l’île de Saint Barthélemy. Les espèces se classent en 4 sous-familles :

  1. MYRMICINAE (12 des espèces collectées appartiennent à la Famille des Myrmicinae)
  2. FORMICINAE,
  3. DOLICHODERINAE,
  4. PONERINAE.

Certaines de ces fourmis sont des espèces envahissantes. Les espèces envahissantes de fourmis sont connues pour être étroitement associées à l’homme et nichent dans les plantes ou d’autres produits vendus localement ou mondialement ont le pouvoir d’être dispersées sur de longues distances par les hommes. Elles ont souvent des impacts économiques, écologiques sanitaires, en pénétrant et s’établissant dans ou se répandant à l’intérieur des pays, en particulier dans les îles.

Exemple parmi les fourmis collectées

  • Wasmannia auropunctata , appelée petite fourmi de feu est originaire d’Amérique centrale et du Sud.  Elle est bien connue pour sa piqûre douloureuse; elle peut rendre aveugles les chiens et chats ou encore est responsable d’une  réduction significative de la diversité spécifique d’insectes, de populations d’arachnides ou encore de ponte de tortues.
  • Solenopsis  invicta  «  fourmi de feu »,  Originaire Amérique du Sud, elle a été importée accidentellement   un peu partout dans le monde.  Sa piqûre est douloureuse
  • Acromyrmex octospinosus  fourmi champignonniste, signalée en Guadeloupe comme une espèce envahissante, très dangereuse pour la biodiversité végétale, ordinaire et endémique.
  • Pheidole megacephala, originaire d’Afrique australe.  C’est une espèce envahissante qui représente une grave menace  pour la biodiversité, et c’est également un ravageur domestique (câbles téléphoniques, fils électriques). Elle figure sur la liste de UICN pour les 100 espèces envahissantes au monde.
  • Monomorium pharaonisc’est une espèce invasive et cosmopolite

 

LES TERMITES

Dans la zone néo tropicale, le groupe des termites est abondant et diversifié avec environ 5000 espèces. Le manque de connaissance actuelle sur cette faune dans cette région est souvent lié au manque d’inventaire.

Nous avons utilisé les caractères de la caste des soldats pour les identifications. Trois espèces de termites ont été identifiées:

  • Nasutitermes corniger (Motschulsky, 1855).Ce termite appartient à la sous famille des Nasutiterminae, famille Termitidae.
  • IncisitermesTermite de la famille des Kalotermitidae  assez commun dans les West Indies où on le trouve un peu partout, mais il n’est pas signalé à Cuba, Jamaïque et une partie des Bahamas
  • Termes: Termite de la famille des Termitidae.

 

HYMENOPTÈRES PARASITOIDES 

Nous avons collecté 15 espèces d’hyménoptères de familles assez diverses. Les déterminations des espèces   d’hyménoptères susceptibles  de jouer un rôle dans la régulation des populations de lépidoptères sont en cours.

A l’issue de ce premier inventaire nous pouvons interpeller sur le danger que pourrait représenter certaines fourmis envahissantes sur la flore de Saint-Barthélemy ou sur la population cas de la grande fourmi de feu, la petite fourmi de feu, tristement célèbre pour leurs piqûres douloureuses sur l’homme, de la fourmi champignonniste Acromyrmex octospinosus pour la biodiversité floristique ou encore sur le danger des termites pour l’urbanisation. D’autres espèces en cours d’étude présentent également des intérêts certains.

 

This post is also available in: Anglais